samedi 3 février 2018

Manuscrit trouvé dans une bouteille

Cette nouvelle très courte de 16 pages (format poche) fut publiée pour la première fois en 1831. Elle parut ensuite en octobre 1833 sous le titre Ms. found in a bottle dans le Baltimore Saturday visiter où elle figura directement en une : en effet, Poe avait alors gagné le premier prix pour la meilleure nouvelle. Il avait gagné en même temps le prix pour le meilleur poème.

Lors d'un voyage l'emmenant de Java aux îles de la Sonde, le bateau sur lequel le narrateur voyage affronte les tourments d'une formidable tempête : le simoun. Un énorme coup de vent enfonce le bateau dans l'eau et tous les hommes sont emportés.
Durant cinq jours, le vent entraîne le bateau et finit par le jeter contre un autre.
Le narrateur se retrouve par miracle sur le pont de ce nouveau navire, semblant venir d'un temps très ancien …

Mêlant légendes et aventures, cette nouvelle se lit très bien. Poe capte le lecteur et l'emprisonne dans une suite d'actions très rapide. Le mystère qui entoure le second navire nous oblige à lire l'histoire d'une traite.

Pour ma part, j'ai eu l'impression de découvrir une des sources d'inspiration du célèbre Hollandais Volant de la saga Pirates des Caraïbes. Tiens, tiens, en cherchant des informations sur ce navire, je viens de découvrir que le Hollandais Volant est en fait à la base une légende datant du XVIIème siècle prenant sa source du côté de Java. La rumeur attribuait la vitesse du navire à l'assistance du diable. Évidemment, le navire disparut sans laisser de trace … Il se pourrait donc que Poe se soit inspiré de cette légende ou d'un des récits basés sur celle-ci pour développer son histoire.

En tout cas, je recommande cette lecture !

Perte de souffle

Paru en novembre 1832 dans The Sunday Courier sous le titre A decided loss, Perte de souffle est aussi connu sous le titre Perte d'haleine (traduction du titre qu'elle prit trois ans plus tard : Loss of Breath). Dans le recueil Le masque de la Mort Rouge, cette nouvelle de 17 pages (format poche) est traduite par Alain Jaubert.

Le lendemain de ses noces, en pleine dispute avec sa femme, le narrateur se retrouve tout à coup à bout de souffle …

Mais quand on dit à bout de souffle, c'est vraiment au bout du bout, voire même sans en fait … Forcément, sans souffle, il devient difficile de parler et quand un malheureux incident lui fait perdre l'usage de ses membres, on le croit vite mort. Arrivent alors tout un tas d'aventures …

Si la situation de départ est purement fictionnelle, on ne peut pas dire que cette nouvelle appartienne complètement au domaine de la science-fiction, c'est plus un récit d'aventures. La fin de la nouvelle nous laisse un peu sur notre faim, le dénouement est trop rapide, paraît trop simple et manque d'explications.

Mais l'ensemble se lit quand même globalement bien. Une nouvelle idéale si l'on souhaite un court et agréable moment de lecture.

Informations sur les récentes fortunes du chien Berganza

Beaucoup plus longue que les premières, cette nouvelle de 108 pages (format poche) date de 1814. Le titre d'origine en est : Nachricht von den neuesten Schicksalen des Hundes Berganza (je sais, l'allemand n'est pas facile à lire). Le titre de l'histoire est annoté : Hoffmann annonce dès le départ qu'il poursuit ici le récit de Miguel de Cervantès paru en 1613 : Le dialogue des chiens Scipion et Berganza.

C'est en rentrant chez lui que notre narrateur rencontre en pleine nuit Berganza, un bouledogue noir doué de parole …

Après quelques pages où le narrateur flatte notre animal pour qu'il raconte son histoire, celui-ci finit par céder et nous raconte comment sa rencontre avec la sorcière Cannizarès l'a mené droit au sabbat organisé par 7 vieilles femmes, un chat noir aux yeux de braise, un monstrueux crapaud remuant le chaudron et la sorcière Montiella montant un corbeau noir … Depuis chaque année, en cette nuit anniversaire, Berganza éprouve des envies d'humain et se voit doué de la parole humaine.

A ce moment de l'histoire, on se dit « Cool, il reste 80 pages d'aventures à lire, ce sera peut-être un peu comme le Salem de Stephen King ! »
Eh bien pas du tout, il m'a fallu près d'un mois pour terminer cette histoire. Après cela, Hoffmann, par l'intermédiaire du chien, se livre à une critique acerbe des artistes de l'époque : tout le monde y passe (auteurs, comédiens, musiciens …). Voilà pourquoi j'ai fini cette nouvelle par une lecture diagonale ... Un texte que je ne recommande pas du tout, de quoi vous dégoûter complètement de l'auteur.

Onuphrius, ou les vexations fantastiques d’un admirateur d’Hoffmann

L'avantage des nouvelles c'est que, même si l'on n'accroche pas trop à l'histoire, un peu de persévérance suffit pour réussir à tout lire. Cela permet aussi de se constituer un bon stock de références et d'affiner sa compréhension du genre.
L'inconvénient des nouvelles, c'est que l'on a tendance à les lire beaucoup plus vite qu'on ne les chronique ; encore plus quand on fait le choix de faire une chronique pour chaque nouvelle …
Voilà comment j'en viens à cumuler un retard de 10 chroniques … C'est d'autant plus gênant que certaines sont tellement passionnantes qu'on en oublie quasiment complètement l'histoire des autres …

Bref, voici mon entrée en matière pour Onuphrius, texte de Théophile Gautier, paru pour la première fois en août 1832 dans La France Littéraire sous le titre Onuphrius Wphly. En 1833, cette nouvelle de 39 pages (format poche) adopte son titre définitif : Onuphrius, ou les vexations fantastiques d’un admirateur d’Hoffmann (plus long, mais plus facile à lire).

Au départ, je m'attendais donc naturellement à ce qu'il soit question d'ETA Hoffmann dans le texte, mais en dehors du titre, le nom n'apparaît qu'une fois dans le texte. Sur le coup, j'en étais un peu déçu. Maintenant que je commence à connaître plusieurs textes de ces deux auteurs, je me rends compte de la corrélation entre les deux ou plutôt de la manière dont Gautier s'inspire des histoires d'Hoffmann.

Onuphrius, c'est l'histoire d'un peintre poète qui, par ses lectures fantastiques, voire occultes, a tendance à voir l'empreinte du diable partout … Devant peindre le portrait de Jacintha, il s'aperçoit que tout s'oppose à son travail. Quand il souhaite la rejoindre, le temps s'échappe et il arrive trop tard. Une nuit, il rêve de sa mort et se rend compte qu'un autre s'est approprié son œuvre et son succès.

Comme chaque fois, il est difficile de résumer l'histoire sans spoiler l'intrigue. Alors étant donné que ce blog est un peu la mémoire de mes lectures, je vais m'autoriser à un petit laisser-aller mnémotechnique en disant qu'Onuphrius vit un peu la même situation que Bon-Bon mais que l'homme au rubis rouge n'a finalement pas les mêmes intentions …

En relisant en diagonale cette nouvelle qui sur le « long terme » (moins de 6 mois quand même) ne m'avait laissé aucun souvenir, je me rappelle qu'elle m'avait alors plu car elle est très concrètement emprunte de fantastique. Elle m'avait de plus redonné très envie de lire du Hoffmann de par ses références : le chat Mürr et la nuit de la Saint-Sylvestre, dernière nouvelle du recueil Contes d'Hoffmann. Mais comme je le disais en intro, certaines nouvelles nous laissent un souvenir indélébile et occultent d'autres qui, à mon goût, manquent peut-être d'actions.
Je me permets ici de copier-coller un paragraphe du site Théophile Gautier pour évite de paraphraser leurs propos :

« Cette nouvelle est fortement inspirée de divers récits d’Hoffmann : Onuphrius emprunte au héros du « Vase d’or », persécuté comme lui par des visions grotesques. La maîtresse d’Onuphrius, Jacintha, doit son nom à la Giacintha de La Princesse Brambilla. Mais encore, le thème du miroir au reflet fantastique se trouve dans « La Nuit de la Saint-Sylvestre » et l’épisode du portrait défiguré présente une certaine parenté avec un passage des Élixirs du diable. L’épisode du mort vivant vient certainement de contes publiés de manière anonyme par Robert Mac Nish dans Le Mercure de France en 1829 (« La Mort ressuscitée », « la Métempsycose », « Un Pythagoricien moderne »). »


N'ayant pas encore lu La Princesse Brambilla, La Nuit de la Saint-Sylvestre ou Les élixirs du diable, je ne peux pas encore attester mon avis sur ses points. En revanche, je ne trouve pas qu'Oniphrius emprunte au personnage du Vase d'Or : l'étudiant Anselme ne doit ses aventures qu'à sa nature maladroite. Si Onuphrius enchaîne les dépits, on se rend compte au fur et à mesure qu'elles ne sont en rien des preuves d'une maladresse quelconque mais bien finalement les résultats de l'intervention d'un tiers personnage.
Étant donné qu'il semble ne pas y avoir de traduction française pour les œuvres de Robert MacNish, il me sera difficile de me faire un avis sur la question. Par contre, comme je l'ai déjà évoqué, cette histoire m'a semblé avoir un lien avec la nouvelle de Poe Bon-Bon. Le lien me semble tout aussi fort avec une autre nouvelle de Poe : Perte de souffle. Mais ces deux nouvelles ayant été aussi publiée en 1832, il est difficile de dire qui a inspiré qui ou même s'ils se sont inspirés les uns les autres ou si c'étaient juste des thèmes très à la mode à ce moment là.


Dans tous les cas, je conseille la lecture de cette nouvelle ! Le style est un peu ampoulé (on évoque ici la bourgeoisie française), il n'y a pas une action transcendante mais le suspens se maintient jusqu'à la fin et ça nous suffit.


Plus que 9 ...